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PATRIMOINE COMMUN DE L’HUMANITÉ (PCH)
Sur le plan juridique, la notion de Patrimoine Commun de l’Humanité (PCH) n’a reçu une définition que vis-à-vis du droit de la mer [1], et a été nommée mais non définie pour les corps célestes [2]. Il relève des caractéristiques de non appropriation, d’usages pacifiques, d’impossibilité pour un État de revendiquer ou d’exercer une quelconque souveraineté et d’inaliénabilité des ressources.
Supposant la reconnaissance d’un bien commun supérieur et de l’humanité en tant que sujet de droit international, la notion de PCH provient de l’identification d’un intérêt commun de l’humanité, supérieur aux intérêts étatiques, et constituant un instrument susceptible de limiter la souveraineté ou le champ d’action des Etats ou les rapports habituels entre les États pour viser à l’équité du partage dans le sens de la destination universelle des biens [3]. Il a ensuite été utilisé dans une optique de préservation des richesses de la planète (environnements, ressources naturelles, etc.) sans pour autant être reconnu ni intégré dans le droit positif.
[1] Résolution 2749 (XXV) de l’Assemblée Générale des Nations Unies, 1970, et Article 136 de la Convention sur le Droit de la mer du 30 avril 1982, laquelle sera profondément modifiée en 1994.
[2] Dont notamment dans l’Accord régissant les activités des États et les autres corps célestes (dit « Accord sur la Lune »), adopté par l’Assemblée générale le 5 décembre 1979 (Résolution 34/68), entré en vigueur le 11 juillet 1984.
[3] Définition inspirée de Loubna Farchakh Fouret, Notes de lecture à propos de Sylvie Paquerot, Le Statut des ressources vitales en droit international, Essai sur le concept de patrimoine commun de l’humanité. De la nécessité d’appréhender les ressources vitales à travers le concept de patrimoine commun de l’humanité et de l’inaptitude de la réponse économique ; Juin 2005 : http://www.institut-gouvernance.org/fr/document/fiche-document-34.html ; et sur la base des corrections de Sylvie Paquerot.
COREDEM, grâce aux apports et commentaires de Sylvie Paquerot et sur la base des travaux de l’IRG (http://www.institut-gouvernance.org),
Exemples
« Le patrimoine commun de l’humanité est pauvre. Juridiquement, ni l’espace extra-atmosphérique […], ni l’Antarctique n’en font partie, encore moins la forêt amazonienne. Les seuls espaces relevant de cette catégorie sont la lune et les corps célestes, l’orbite des satellites géostationnaires et le spectre des fréquences radioélectriques, les grands fonds marins. Le reste est de l’ordre de l’incantation et n’engage pas les États, ou bien fait l’objet de déclarations peu contraignantes, telle la liste des biens inscrits au patrimoine culturel et naturel de l’Unesco, et plus récemment, le génome humain [1] ».
La lune et les corps célestes, les fonds marins et la haute mer sont nommément considérés comme des éléments du patrimoine commun de l’humanité.
S. Sucharitkul souhaiterait qu’il existe « un patrimoine spirituel de l’humanité », c’est-à-dire « des biens incorporels que l’on ne voit ni ne touche mais que l’on saisit par l’esprit, et qui se compose des droits fondamentaux de l’homme et de tous les droits humanitaires que l’homme peut invoquer », par exemple : le droit à la survie, aux libertés fondamentales, au développement, à la qualité de l’environnement, au standard minimal pour le traitement de l’homme, à la protection en tant qu’espèce humaine, à la dignité de l’homme, à la préservation contre l’extinction ou contre la cruauté découlant d’un conflit armé, etc. . Pourtant, comme le fait remarquer Sylvie Paquerot, Sucharitkul raisonne ici dans le cadre du lege ferenda (le droit souhaité) et non du point de vue du lex lata (le droit qui est).
[1] cf. Marie Claude Smouts, Du patrimoine commun de l’humanité aux biens publics globaux, 2004
Définition développée
La notion de PCH est tombée relativement en désuétude et dans le domaine de l’environnement et des ressources, a été concurrencée voire supplantée par celle de préoccupation commune de l’humanité. « Cependant, les principes éthiques qui lui sont attachés gardent leur valeur. Pour tenter de les relancer, un nouveau discours sur les « biens publics globaux » se fait entendre dont l’objectif est de ranimer la coopération autour de quelques sujets intéressant l’ensemble des êtres humains [1] ». Mais ces notions n’ont aucune portée juridique.
Ainsi, le patrimoine commun (common heritage en anglais) renvoie à l’idée d’un héritage légué par les générations précédentes et devant être transmis inaltéré ou accru, aux générations futures. Induisant une perspective de préservation, de répartition ou de partage équitable des ressources [2], il possède un caractère transpatial et transtemporel, et relève des principes de non appropriation [3], de non exclusion et de non-discrimination quant à son utilisation.
S’il n’existe juridiquement que dans le droit de la mer au sujet des fonds marins, il a été évoqué sans jamais avoir été retenu vis à vis de la protection des langues ou de la culture. On le retrouve ainsi dans de multiples revendications, en référence notamment au principe de destination universelle des biens.
Pourtant, si les pays nouvellement décolonisés furent porteurs de cette notion dans les années 1970, ce sont ces mêmes pays en développement qui s’opposeront avec le plus de fermeté à l’utilisation de ce concept lorsqu’il s’est agit de l’appliquer à des ressources situées sur le territoire des États : pour la biodiversité, pour les forêts tropicales, etc., du fait de la récupération qui, par la suite a pu être fait du concept [4].
Comme le souligne Monique Chemillier-Gendreau, pour avoir une véritable portée, une telle notion aurait besoin d’un véritable droit mondial [5]. Ainsi, la notion de PCH dépend intimement des relations internationales dans un contexte d’inégalités Nord/Sud [6], de la constitution d’un ordre juridique mondial transcendant l’international et capable de rendre compte de l’intérêt collectif, pour finir par imposer certains devoirs à la communauté internationale [7].
Enfin, le PCH participe, même s’il se distingue au plan juridique, des réflexions autour du patrimoine mondial, des biens publics mondiaux et des biens communs. On peut ainsi rappeler l’usage politique qui est fait de ce concept, en se référant notamment à l’utilisation qu’en a faite Ricardo Petrella dans son « Manifeste de l’Eau pour un contrat mondial [8] » par lequel il a « popularisé » l’usage de la notion au-delà des cercles du droit international.
En résumé, s’il n’est aujourd’hui pratiquement plus utilisé en droit international sauf dans les domaines précis où il a été inscrit, il est parfois repris dans les débats politiques et philosophiques autour de la préservation et de la redistribution des ressources, y compris immatérielles, comme la connaissance.
[1] Marie Claude Smouts - Du patrimoine commun de l’humanité aux biens publics globaux, 2004
[2] cf. Loubna Farchakh Fouret, Op. cit.
[3] cf. Sabine Akbar, La lune, patrimoine commun de l’humanité ? Comment exploiter les ressources lunaires dans le respect du droit international, note de l’IFRI, déc. 2006, page 5 : www.ifri.org/downloads/akbar1206.pdf
[4] voir historique de la notion
[5] Monique Chemillier-Gendreau, Droit international et démocratie mondiale - Les raisons d’un échec, Éditions textuel, mars 2002, 270 pages
[6] cf. Sabine Akbar, Op.cit.
[7] cf. Loubna Farchakh Fouret, Op. cit.
[8] « L’eau "source de vie" appartient aux habitants de la Terre en commun. En tant que "source de vie" fondamentale et non-substituable de l’éco-système Terre, l’eau est un bien vital qui appartient aux habitants de la Terre, en commun. Aucun d’entre eux, individuellement ou en groupe, ne devrait avoir le droit d’en faire son appropriation privée. L’eau est un bien patrimonial commun de l’humanité », cf. Riccardo Petrella, Le Manifeste de l’Eau pour un contrat mondial, Editions Labor, Bruxelles, 1998, 160 pages
Historique de la définition et de sa diffusion
« Apparue dans les années 1960, dans un contexte politique marqué par la décolonisation, la bipolarisation des relations internationales et l’émergence des rapports Nord-Sud, la notion de PCH a été évoquée lors des discussions aux Nations Unies, dans la perspective du « Nouvel ordre économique international ». Pourtant, comme cela a été dit précédemment, « la notion de « patrimoine commun de l’humanité » n’a connu qu’un succès éphémère sur le plan juridique. En droit positif, le champ d’application du « patrimoine commun de l’humanité » est restreint. Non seulement la notion n’a pas été l’instrument politique espéré par les pays du Sud, mais ceux-ci ont appris à s’en méfier lorsqu’elle a commencé à être invoquée par des porte-parole autoproclamés de l’humanité qui prétendaient leur dicter la façon d’utiliser leurs propres ressources nationales [1] ».
Sources et ambiguïtés de la notion de Patrimoine
L’idée de patrimoine est issue du latin patrimonium, soit l’ensemble des biens appartenant à un père de famille (pater familias) transmis à un héritier à la mort de ce dernier. On la retrouve en tant que notion juridique dans le droit romain, classique et byzantin, c’est-à-dire dans presque tous les systèmes juridiques plus ou moins anciens et plus ou moins développés [2]. Pourtant, dans ces systèmes juridiques, le patrimoine appartient, alors que l’objectif du PCH était précisément d’éviter l’appropriation, d’où l’ambiguïté de la notion.
D’un point de vue plus récent, l’acte constitutif des Nations Unies (Londres le 16 novembre 1945, entrée en vigueur en 1946) stipule que l’organisation veille « à la conservation et protection du patrimoine universel de livres, d’œuvres d’art et d’autres monuments d’intérêt historique ou scientifique (…) » ; en 1972, l’Organisation des Nations Unies adopte la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, face à la menace de leur destruction et en établit une première classification (Titre 1, article 1er et 2). Toutefois, il convient de préciser ici que la portée du patrimoine mondial n’est pas la même que celle du PCH puisque le premier demeure sous souveraineté nationale.
À l’échelle européenne, l’acte constitutif du Conseil de l’Europe mentionne, dès 1949, que le but du Conseil est « de sauvegarder et promouvoir les idéaux et principes qui sont leur patrimoine commun ». De nombreuses conventions européennes relatives au patrimoine archéologique, audiovisuel, architectural reprennent cette formulation. La Convention culturelle a, dès 1954, mentionné, dans son article premier, que les parties contractantes doivent « encourager le développement de leur contribution nationale au patrimoine culturel commun de l’Europe ». Le traité instituant les Communautés européennes reprend, dans son article 151, la notion d’héritage culturel commun [3].
Surtout et à nouveau, la mention de la notion de patrimoine commun est davantage explicite au sujet du droit de la mer (Conférence de Genève, 1958 et de Montego Bay, 1982) puis dans le traité de l’espace (1967) puis dans l’accord sur la Lune (traité international) de 1979.
[1] cf.Marie Claude Smouts, Op. cit.
[2] S. Sucharitkul, Évolution continue d’une notion nouvelle le patrimoine commun de l’humanité, FAO : http://www.fao.org/docrep/s5280T/s5280t14.htm#TopOfPage
[3] cf. Consultation nationale pour la charte de l’environnement, Notions liées à la charte, document de travail, http://lexalp.free.fr/fichiers/1116168370_La%20notion%20patrimoine%20commun.pdf
Utilisations et citations
Selon Alexandre Kiss, la notion de PCH renvoie à l’assertion selon laquelle « Nous ne sommes pas les héritiers de nos ancêtres, mais les débiteurs de nos enfants et de nos petits-enfants », cité dans La nature, patrimoine commun de l’humanité, Naturopa (Conseil de l’Europe), n°91, 1999 : http://128.121.10.98/coe/pdfopener?smd=1&md=1&did=594623
Pour aller plus loin
Plus de ressources avec la recherche Scrutari.
Autres références
Sylvie Paquerot, Le Statut des ressources vitales en droit international, Essai sur le concept de patrimoine commun de l’humanité, collection mondialisation et droit international, Bruxelles, Bruylant, 2002, 227 pages & les notes de lecture de Loubna Farchakh Fouret, disponibles sur le site de l’IRG : http://www.institut-gouvernance.org/fr/document/fiche-document-34.html
Monique Chemillier-Gendreau, Droit international et démocratie mondiale - Les raisons d’un échec, Éditions textuel, mars 2002, 270 pages]
Riccardo Petrella, Le Manifeste de l’Eau pour un contrat mondial, Editions Labor, Bruxelles, 1998, 160 pages
Conseil de l’Europe, La nature, patrimoine commun de l’humanité, Naturopa, n°91, 1999 : http://128.121.10.98/coe/pdfopener?smd=1&md=1&did=594623
Consultation nationale pour la charte de l’environnement, Notions liées à la charte, document de travail : http://lexalp.free.fr/fichiers/1116168370_La%20notion%20patrimoine%20commun.pdf
S. Sucharitkul, Évolution continue d’une notion nouvelle le patrimoine commun de l’humanité, FAO : http://www.fao.org/docrep/s5280T/s5280t14.htm#TopOfPage