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EXIGIBILITÉ DES DESC

Pour qu’un droit soit exigible il doit être reconnu juridiquement, il doit donc exister une juridiction internationale ou nationale où il puisse être revendiqué [1]. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) [2] est le principal traité international sur les droits économiques, sociaux et culturels (DESC). En ratifiant les traités internationaux en matière de droits humains, les États concernés s’engagent à les respecter, les protéger et leur donner effet. L’exigibilité est un des enjeux majeurs de l’action de la société civile en matière des DESC.

[1Définitions tirées de Ritimo, Dossier Droits économiques, sociaux et culturels, Glossaire : http://www.ritimo.org/dossiers_thematiques/droits_humains/desc/Desc_glossaire.html».

[2Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), adopté en 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976 : http://www2.ohchr.org/french/law/cescr.htm

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Exemples

COMMENT RENDRE EXIGIBLE LE DROIT AU LOGEMENT

Obligations des États en matière du droit au logement [1]

1. L’obligation de reconnaître le droit au logement au niveau national.
La première obligation des Etats est de consacrer le droit au logement dans leur droit national. Sans cette consécration, il est impossible – selon le système juridique de l’Etat concerné – de protéger de manière crédible le droit au logement de sa population.

2. L’obligation de respecter le droit au logement. L’obligation de respecter le droit au logement implique que les Etats doivent s’abstenir de toute mesure arbitraire qui entrave l’exercice de ce droit. C’est une obligation négative, qui interdit à l’Etat d’exercer son pouvoir quand celui-ci aurait pour effet de compromettre un accès au logement déjà acquis.

Un gouvernement viole par exemple cette obligation quand il décide d’expulser de force des personnes de leurs logements – quel que soit leur statut légal – sans avertissements préalables ni voies de recours disponibles. Un État viole également cette obligation s’il restreint le droit d’association des locataires ou des communautés rurales possédant des logements en commun. Pendant un conflit armé, cette obligation signifie que les troupes gouvernementales doivent s’abstenir de détruire des habitations civiles ; elles ne doivent pas non plus bloquer des opérations de secours destinés à fournir un refuge aux déplacés ou aux réfugiés.

3. L’obligation de protéger le droit au logement. L’obligation de protéger le droit au logement requiert des États qu’ils empêchent des tiers d’entraver de quelque manière que ce soit l’exercice du droit au logement.

Il peut s’agir de particuliers, d’entreprises ou d’autres entités. Les États doivent par exemple promulguer des lois qui protègent la population contre les spéculations sur la terre ou la propriété, créer des instances chargées d’enquêter en cas de violations et assurer des moyens de recours efficaces pour les victimes, notamment l’accès à la justice. L’État doit aussi intervenir lorsque des particuliers puissants ou des entreprises expulsent des gens de leur terre ou de leur logement, en poursuivant les responsables et en garantissant une réparation aux victimes.

Le Rapporteur spécial sur le droit au logement de l’ONU a dénoncé les effets négatifs de la privatisation des services publics dans plusieurs de ses rapports [2]. Il souligne que l’État a l’obligation de garantir que la privatisation de l’eau, par exemple, n’aura pas d’effets négatifs sur l’accès à l’eau et à un logement adéquat de la population. Or cette privatisation a très souvent entraîné des augmentations de prix qui ont rendu l’eau inabordable pour les plus pauvres. A Manille, par exemple, le prix de l’eau a quadruplé entre 1997 et 2003, suite à la privatisation de l’eau réalisée au profit de la Lyonnaise des Eaux [3].

Dans tous les cas de privatisation des services publics, y compris l’eau ou l’électricité, l’État doit continuer à garantir la protection du droit à un logement adéquat pour toutes et tous.
L’État est également tenu d’intervenir pour éviter toute discrimination dans l’accès au logement. Un État qui ne garantirait pas, par exemple, qu’aucune personne ne se verra refuser un logement à cause de son sexe, de sa nationalité, de son origine ou de toutes autres formes de discrimination, violerait son obligation de protéger le droit au logement.

4. L’obligation de mettre en œuvre (faciliter et réaliser) le droit au logement. L’obligation de mettre en œuvre se décompose en obligations de faciliter et de réaliser le droit au logement.

L’obligation de faciliter requiert de l’État qu’il prenne des mesures positives pour aider les particuliers et les communautés à exercer leur droit au logement. L’État doit par exemple construire des logements à bas prix en quantité suffisante et garantir que les plus pauvres y auront accès à travers des systèmes de subventions.

L’obligation de réaliser implique que l’État garantira un logement temporaire à toutes les personnes en situation d’extrême précarité. En cas de conflits armés ou de catastrophes naturelles, une attention spéciale devra être portée aux femmes, aux enfants, aux déplacés internes et aux réfugiés.

L’obligation de mettre en œuvre requiert des États qu’ils adoptent les mesures législatives nécessaires, qu’ils se dotent d’une stratégie et d’un plan d’action pour le logement au niveau national et qu’ils garantissent qu’un logement sera adéquat, disponible et accessible à chacun, y compris dans les zones rurales et les zones urbaines les plus vulnérables.
Un État dans lequel un grand nombre de personnes est privé d’accès à un logement minimum, ou au moins à un lieu de refuge temporaire, viole de prime abord son obligation de réaliser le droit au logement. Les pays les plus pauvres, s’ils n’ont pas les ressources suffisantes pour respecter cette obligation minimale, doivent faire appel à la coopération internationale pour y parvenir.

5. Les obligations de coopération et d’assistance internationales.
Si les États les plus pauvres ont l’obligation de faire appel à la coopération internationale pour réaliser le droit au logement de leur population, les États riches ont l’obligation d’y répondre. Ils s’y sont engagés en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui prévoit que les États doivent agir, tant par leurs efforts propres que par l’assistance et la coopération internationales, au maximum des ressources disponibles, pour réaliser le droit au logement [4].
Dans son observation générale No 4, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a décrit la dimension internationale des obligations des États parties au Pacte en ces termes : « Jusqu’à présent, moins de 5% de l’ensemble de l’aide internationale a été consacrée aux logements et aux établissements humains, et souvent le financement ainsi consenti n’a guère contribué à répondre aux besoins des groupes les plus défavorisés. Les États parties, tant bénéficiaires que contribuants, devraient veiller à ce qu’une part substantielle du financement soit consacrée à l’instauration de conditions permettant à un plus grand nombre de personnes d’être convenablement logées. Les institutions internationales de financement qui préconisent des mesures d’ajustement structurel devraient veiller à ce que l’application de ces mesures n’entrave pas l’exercice du droit à un logement suffisant. Lorsqu’ils envisagent de faire appel à la coopération internationale, les États parties devraient indiquer les domaines concernant le droit à un logement suffisant dans lesquels un apport financier extérieur serait le plus souhaitable. Ils devraient tenir pleinement compte, dans leurs demandes, des besoins et des opinions des groupes concernés. »

[1Cf. Brochure du CETIM intitulée « Le droit au logement », Genève, août 2007, http://www.cetim.ch/fr/publications_logement.php

[2Cf. E/CN.4/2002/59, E/CN.4/2006/118

[3Cf. E/CN.4/2004/10, § 40

[4Article 2 (1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Définition développée

Dans le cadre du droit international, les États ont des obligations envers les sujets du droit c’est-à-dire tout individu jouissant des droits. En matière de DESC, l’État a trois types d’obligation qui sont soit des obligations positives - l’État doit agir -, soit négatives - l’État doit s’abstenir -, soit l’État a les deux obligations à la fois [1] :

  1. 1- l’obligation de respecter : les États doivent mettre en œuvre par tous les moyens possibles le contenu de ces droits (mesures législatives et administratives, mise en route de programmes, établissement d’un système de protection sociale...).
  2. 2- l’obligation de protéger, Ce qui signifie qu’ils doivent veiller à ce que leurs propres actions ou celles de tiers (sociétés transnationales par exemple) relevant de leur juridiction n’entravent pas la jouissance des droits humains dans un autre pays. Ils doivent aussi apporter leur soutien à un État qui est dans l’incapacité d’assurer la jouissance des droits humains à ses citoyens.
  3. 3- l’obligation de donner effet c’est-à-dire l’obligation à faciliter l’accès de toutes et tous à tous les droits humains et à promouvoir et fournir les conditions pour que les individus puissent exercer leurs droits (notamment pour les plus démunis).

Ces traités, appelés Pactes ou Conventions, ont force de loi et peuvent être invoqués devant les tribunaux nationaux pour autant qu’ils aient été ratifiés par les instances législatives des pays concernés, soit après l’intégration de leur contenu dans la législation nationale, soit de façon immédiate suite à la ratification des traités en question (self executing), selon le système juridique adopté par chaque État.

Contradiction entre le droit international commercial et le droit international en matière de droits humains

Le droit commercial international actuel ignore totalement le droit international en matière de droits humains et de ce fait va bien souvent à l’encontre du respect des droits humains. De plus, la mondialisation néolibérale exclue l’économie du champ d’action politique comme si les politiques économiques n’avaient aucune incidence sur le fonctionnement de la démocratie et le respect des droits humains. C’est ainsi que les États sont soumis à de très fortes contraintes et pressions pour qu’ils respectent à la lettre les accords internationaux en matière de commerce (tels que ceux élaborés au sein de l’OMC) ou ceux bilatéraux [2]. A l’opposé, on ne constate rien de tel quant aux engagements que ces mêmes Etats ont pris en ratifiant le PIDESC. Plus grave, leur soumission aux premiers se fait souvent au détriment dudit Pacte, voire en violation flagrante des droits qui y sont stipulés, comme si ce Pacte n’avait aucune valeur juridique. Or, de nombreuses études et résolutions onusiennes soulignent la primauté des droits humains sur les accords économiques : les premiers sont « intemporels et l’expression des prérogatives fondamentales de la personne humaine » (Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU) alors que les seconds peuvent être limités dans le temps, modifiés ou annulés selon les besoins et intérêts du moment des parties auxdits accords.

Rôle et action des mouvements sociaux et citoyens

Comme chacun le sait, la reconnaissance juridique et formelle des droits humains en général et des DESC en particulier ne suffit pas en tant que tel pour que ces droits soient respectés et mis en oeuvre effectivement. C’est là que le rôle des mouvements sociaux et citoyens devient crucial. En effet, le rôle et les actions des mouvements sociaux et des citoyens sont déterminants dans le respect et la protection des droits humains. Si la mobilisation populaire est nécessaire pour obtenir des lois conformes à l’équité, à la justice et aux droits humains, elle est tout autant nécessaire pour leurs mises en œuvre. Ces actions peuvent se dérouler à la fois au niveau national et international, étant donné que ces deux niveaux se complètent et interagissent.
Malgré ses lacunes, la législation internationale en matière de droits humains offre une protection non négligeable aux peuples et aux citoyens. Il faut exiger son application, aussi bien au niveau national qu’international.
Au niveau national, les mouvements sociaux et citoyens peuvent interpeller leurs gouvernants et leurs élus pour l’adoption des mesures (lois, programmes, etc.) et la mise en place des mécanismes de contrôle nécessaires afin que les droits humains en général et les DESC en particulier deviennent une réalité pour tout un chacun. Ils peuvent aussi veiller à ce que les traités commerciaux signés par leur gouvernement soient conformes aux droits humains, tout en relayant les recommandations des instances onusiennes en matière de droits humains au niveau national. Ils peuvent, par ailleurs, travailler en étroite collaboration avec ces instances et contribuer à l’élaboration des rapports nationaux par leurs autorités politiques. Ils peuvent en outre informer leurs membres et organiser des formations aux droits humains.
Les mouvements sociaux et citoyens peuvent surveiller, à travers des mécanismes de protection (aux niveaux national, régional ou international), leur gouvernement pour le respect de leurs engagements en matière de droits humains.
Les mouvements sociaux et les organisations de la société civile peuvent et doivent aussi participer à l’élaboration des normes internationales en matière des droits humains.

[1Définitions tirées de Ritimo, Dossier Droits économiques, sociaux et culturels, Glossaire : http://www.ritimo.org/dossiers_thematiques/droits_humains/desc/Desc_glossaire.html».

[2Voir à ce propos Cahier critique n° 7 du CETIM, « Les traités internationaux, régionaux, sous-régionaux et bilatéraux de libre-échange », Juillet 2010, http://www.cetim.ch/fr/publications_cahiers.php#traites

Utilisations et citations

« Un toit, de la terre, du travail, du pain, la santé, l’éducation, l’indépendance, la démocratie, la liberté. Telles furent nos demandes dans la longue nuit des 500 ans. Telles sont, aujourd’hui, nos exigences » - Traduction libre du Manifeste Zapatiste en Nahuátl – Emiliano Zapata [1]

[1version originale : « Techo, tierra, trabajo, pan, salud, educación, independencia, democracia, libertad. Estas fueron nuestras demandas en la larga noche de los 500 años. Estas son, hoy, nuestras exigencias »

Pour aller plus loin

Plus de ressources avec la recherche Scrutari.

Autres références

Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), adopté en 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976 : http://www2.ohchr.org/french/law/cescr.htm

Damien Millet, Eric Toussaint, La crise, quelles crises ?, Editions Aden, CETIM et CADTM, 285 pages, 2010.
CETIM, Les traités internationaux, régionaux, sous-régionaux et bilatéraux de libre-échange, Cahier critique n° 7, Juillet 2010 : http://www.cetim.ch/fr/publications_cahiers.php#traites

Melik Özden « De la Déclaration universelle au Conseil des droits de l’homme », in « Une autre ONU pour un autre monde », Édition Tribord, Bruxelles, mai 2010
Juristes Solidarités, Guide sur les méthodes d’exigibilité des DESC : http://www.agirledroit.org/IMG/pdf/pdf_Methodes_d_exigibilite_des_DESC_actes_de_la_rencontre_de_Bangalore_juin_2009.pdf

Le rapport officiel et observations du CoDESC :
http://www2.ohchr.org/english/bodies/cescr/cescrs40.htm http://www.cetim.ch/fr/publications_brochures.php

Le contre-rapport de la plateforme :
www.crid.asso.fr/IMG/pdf/rapport_alternatif_DESC_2008.pdf

Brochures didactiques et Cahiers critiques du CETIM sur les DESC,
http://www.cetim.ch/fr/publications_brochures.php
http://www.cetim.ch/fr/publications_cahiers.php
Dossier Droits économiques, sociaux et culturels de Ritimo : http://www.ritimo.org/dossiers_thematiques/droits_humains/desc/Desc_intro.html
(Voir notamment les différentes biographies proposées et détaillées par section).

Voir les dernières références sur les DESC sur la base de données bibliographique de Ritimo : http://www.ritimo.org/baseriti/interro/format_liste.php?Chp5=DROITS%20ECONOMIQUES%20SOCIAUX%20ET%20CULTURELS&tri=DP%20DESC

Organisations associatives, société civile, réseau

Centre Europe-Tiers Monde (CETIM) : www.cetim.ch
Dossier DESC : http://www.cetim.ch/fr/dossier_desc.php

CRID
Centre de recherche et d’information pour le développement (France) : www.crid.asso.fr
Groupe de travail sur les DESC http://www.crid.asso.fr/spip.php?rubrique30

Centro de Derechos Económicos y Sociales (CDES)
www.cdes.org.ec

ESCR-net (anglais) ou Red-DESC (espagnol)
Réseau international créé en 2003, pour les droits économiques, sociaux et culturels.
www.escr-net.org/ (anglais)
http://www.escr-net.org/index.htm?attribLang_id=13441 (espagnol)

Juristes Solidarité – Agir pour le droit : http://www.agirledroit.org/

Observatori DESC (ressources multilingues, mais principalement en catalan) : www.descweb.org

PIDHDD - Plataforma Interamericana de Derechos Humanos, Democracia y Desarrollo
Plateforme de diverses organisations de la société civile Amérique latine et Caraïbes) pour la défense des droits de l’homme (en espagnol) www.pidhdd.org
Cours sur les DESC à télécharger : http://www.pidhdd.org/v2/index.php?option=com_jdownloads&Itemid=555&task=viewcategory&catid=10

Peuples solidaires : www.peuples-solidaires.org

Terre des Hommes : www.terredeshommes.asso.fr/
Plateforme DESC - Terre des Hommes France : http://www.terredeshommes.fr/les-actions/plaidoyer.html

AIH – Alliance internationale des Habitants : http://fre.habitants.org/

HIC - Habitat International Coalition http://www.hic-net.org/

Universités, recherche

Community Law Centre at the University of the Western Cape (Afrique du Sud)
Développe un projet sur les droits économiques et sociaux (SocioEconomic Rigths-SER Project) : recherches, rapports (anglais).
www.communitylawcentre.org.za/Socio-Economic-Rights

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