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DÉCROISSANCE

La décroissance désigne un ensemble de démarches, de propositions visant à rompre avec le concept et les pratiques du "développement" fondé sur une croissance économique illimitée, au détriment de la nature et des peuples du Sud notamment. Elle s’applique à des modes de vie privilégiant la sobriété dans la production et la consommation de biens matériels et d’énergie, la convivialité autour du bien commun, et l’autonomie, comme facteurs de bien-être. Elle s’inscrit en réaction au productivisme (et au consumérisme concomitant) et dans une critique radicale du caractère hégémonique de l’économie dans son influence sur nos modes de développement et du système capitaliste comme responsable de l’accroissement des inégalités et de la dégradation des ressources naturelles.
C’est à l’économiste roumain Nicholas Georgescu-Roegen que l’on doit les prémices de cette notion lorsqu’il a mis en évidence la finitude des ressources offertes par la nature [1] - les ressources énergétiques de la Terre sont un capital limité - et donc, qu’une croissance illimitée dans un monde limité n’est pas envisageable. Il soulèvait ainsi deux questions : comment penser l’économie sans croissance ? Comment allier l’écologie à l’économie ?
Sur la base de ce constat d’un monde fini, étayé par la notion d’empreinte écologique [2] et dans la foulée d’autres travaux comme le rapport Meadows (The limits to growth – Halte à la croissance ?, Club de Rome, 1972) ou le rapport Brundtland (Our Common Future, 1987), le concept de décroissance, bien qu’il dispose de contours flous, est venu s’immiscer dans le débat sur le développement et le progrès.

[1Mathieu Auzanneau, La « décroissance » : renaissance d’un concept révolutionnaire, Transfert (www.transfert.net), disponible sur le site du FNGM : http://www.world-governance.org/spip.php?article20&lang=fr

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Ritimo pour la COREDEM

Définition développée

D’un point de vue sémantique, le terme de décroissance vient en opposition à celui de croissance. Pourtant, même Serge Latouche, un des ardents défenseurs de cette idée, avoue son inconfort face à cette appellation et parle également d’a-croissance [1]ou préfère invoquer le schéma dressé par la charte des « consommations et styles de vie » proposée au sommet de Rio de 1992, qu’il agrémente à son tour pour aboutir aux « huit « r » [qui] constituent des objectifs interdépendants pour enclencher un cercle vertueux » (voir fiche notion : 4RV, 6 RV ou 8 R).
Pour les partisans de cette notion qui se définissent comme des « objecteurs de croissance » (OC), la contestation de la référence à la croissance se fait sur la base du constat que celle-ci, « fondée sur l’accumulation des richesses, […] est destructrice de la nature et génératrice d’inégalités sociales » et qu’elle pose les bases d’une société qui « n’est ni soutenable ni souhaitable [2]. L’idée de la décroissance est, selon Jean-Claude Besson-Girard [3], « fondée sur une autre représentation du monde (…) un nouveau romantisme révolutionnaire » qui consiste à « s’oppose[r] directement au dogme quasi religieux de la croissance » [4]. Ainsi pour Latouche, il s’agit de « renoncer à l’imaginaire de la croissance » c’est à dire « Redécouvrir la vraie richesse dans l’épanouissement de relations sociales conviviales dans un monde sain peut se réaliser avec sérénité dans la frugalité, la sobriété, voire une certaine austérité dans la consommation matérielle » [5].
Pourtant, la notion considérée comme farfelue par certains décideurs, est également vivement critiquée depuis une critique radicale, d’obédience marxiste, qui l’identifie comme une « propagande anti-progrès (…), un mélange confus d’écologie, d’anarchisme, d’anticapitalisme (…) » voire « un nouvel avatar du Malthusianisme […] ce qui le rend réactionnaire – et dangereux – par définition », notamment au sein du courant altermondialiste. Une telle critique voit dans les termes « refus de la croissance économique, « antiproductivisme », lutte contre la consommation, volonté de revenir à une économie locale, rejet du progrès technique, démarche de « sobriété » ou de « simplicité volontaire », […] les piliers [d’un] nouvel évangile » et conteste la pertinence de cette notion et son application dans les pays du Sud en lui opposant la primauté de la répartition des richesses : « plutôt que de chercher à réduire la quantité de richesses produites par un retour à l’artisanat de village, il serait peut-être nécessaire de se demander comme faire profiter l’ensemble de l’humanité de cette abondance de richesses » [6].
Face à cette critique, les partisans de la décroissance précisent : « la décroissance n’est pas la croissance négative, expression antinomique et absurde qui voudrait dire à la lettre « avancer en reculant », et relèvent l’ambiguïté anthropologique du terme même : « La difficulté où l’on se trouve de traduire « décroissance » en anglais est très révélatrice de cette domination mentale de l’économisme, et symétrique en quelque sorte de l’impossibilité de traduire croissance ou développement (mais aussi, naturellement, décroissance...) dans les langues africaines » [7].
Dés lors, si à l’image de René Passet, on critique « le flou qui subsiste autour de la notion de “décroissance” » [8], on constate que la notion de décroissance pose avant tout un débat sur le développement, notamment face à la conception du développement durable, critiquée du fait qu’elle soit génératrice d’un effet rebond.
Latouche et d’autres parlent dès lors de décroissance soutenable, décroissance conviviale ou décroissance durable ; et Jacques Grinevald de préciser : « La récession, c’est un simple défaut de croissance (…) tandis que la décroissance correspond à une modification des conditions et des règles du développement." [9]

[1Et la décroissance sauvera le Sud... Serge Latouche, Le Monde diplomatique, novembre 2004, http://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/LATOUCHE/11652

[2Serge Latouche, Pour une société de décroissance, novembre 2003, Le Monde diplomatique : http://www.monde-diplomatique.fr/2003/11/LATOUCHE/10651

[3directeur de la revue Entropia

[4La décroissance, un nouveau romantisme révolutionnaire, Jean-Claude Besson-Girard, interviewé par Laure Noualhat, Libération, 2 mars 2007 : http://www.liberation.fr/week-end/010122659-la-decroissance-un-nouveau-romantisme-revolutionnaire

[5Serge Latouche, À bas le développement durable ! Vive la décroissance conviviale !, Revue Silence : http://kropot.free.fr/Silence-decroissance.htm#Clementin

[6citations extraites de La décroissance, un point de vue parfaitement réactionnaire, Lutte de Classe N°121, juillet 2009 :
http://www.union-communiste.org/?FR-archp-show-2009-1-1163-5504-x.html & voir également les critiques formulées par La Riposte

[7Serge Latouche, Pour une société de décroissance, Op. cit. ; voir utilisation de la notion

[8cité dans Christian Comeliau, Croissance, décroissance développement (1) : http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/developpement-durable/1-4-le-developpement-durable-en/croissance-decroissance,11.html

[9Mathieu Auzanneau, Op. Cit.

Historique de la définition et de sa diffusion

Les idées de décroissance sont apparues dans le contexte des années 70, et ont été portées par des personnalités comme Nicholas Georgescu-Roegen [1] (1906-1994) ou Ivan Illitch (1926-2002), et ont été d’une certaine manière consacrées par le rapport du Club de Rome.
Aujourd’hui, parmi les plus ardents défenseurs de la notion, on trouve en France, Serge Latouche, Paul Ariès, ou le député Yves Cochet.
On pourrait également citer le philosophe et paysan Pierre Rabhi, bien que celui-ci soit davantage associé au concept de sobriété heureuse, mais aussi Tim Jackson qui développe l’idée de prospérité sans croissance (voir utilisations de la notion) et Jean Gadrey, celle d’adieu à la croissance.

[1En s’inspirant de la thermodynamique, et notamment à partir de la loi de "l’entropie" découverte en 1824 par Sadi Carnot, Georgescu-Roegen va poser dans son ouvrage The Entropy law and the Economic Process (1971) les prémices de la bioéconomie et à terme, du concept de décroissance.

Utilisations et citations

« Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». Kenneth Boulding [1]

« La crise est une crise anthropologique (…) la recherche de la croissance est désormais antiéconomique, antisociale et anti-écologique », Yves Cochet, 14 octobre 2008, Assemblée nationale.

Dans un entretien à Rue 89, Paul Ariès précisait les aspects de sa conception de la décroissance, qui implique selon lui :
• « la question du ralentissement, car on sait depuis les travaux de Paul Virilio que toute accélération de la société se fait au détriment des plus faibles ;
• la relocalisation, ce qui peut poser la question d’une fiscalité adaptée, voire la création de monnaies régionales ;
• la question de la simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance ;
• la question du partage, c’est-à-dire la question du revenu garanti couplé à nos yeux à un revenu maximal autorisé [2] »

Dans un entretien au même journal en ligne, Tim Jackson avance à propos de la décroissance : « Ce terme a été popularisé par des Français, il est plus en vogue chez vous qu’en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. Je propose plutôt de parler du « dilemme de la croissance » : la croissance continuelle de l’économie matérielle nous pousse de plus en plus au bord du précipice écologique » et de préciser ses « pistes » d’action :
• Réduction de sa consommation (ce qui suppose un changement dans les valeurs, les modes de vie, la structure sociale pour « se libérer du consumérisme »).
• Abandon de la course pour la productivité du travail : développement de services à la personne et de l’économie solidaire.
• Investissements massifs dans l’énergie propre, les économies d’énergie (ce qui ne pourra être financé que si l’on accepte de réduire sa consommation).
• Partage du temps de travail.
• Et pourquoi pas revenu d’existence, rétribuant l’apport de chaque habitant à la société »
 [3]

[11910-1993, président de l’American Economic Association, cité sur : http://www.decroissance.org/?chemin=textes/decinfo

[2Paul Ariès : « Les décroissants ne sont pas des talibans verts », Interview avec Pierre Haski, Rue 89, 19/09/2010 : http://www.rue89.com/entretien/2010/09/19/paul-aries-les-decroissants-ne-sont-pas-des-talibans-verts-167289

[3Tim Jackson, « On est au bord du gouffre écologique », entretien avec Sophie Verney-Caillat, Rue 89, 24/09/2010, http://www.rue89.com/planete89/2010/09/24/tim-jackson-on-est-au-bord-du-gouffre-ecologique-167846

Pour aller plus loin

Plus de ressources avec la recherche Scrutari.

Références

Dossiers du Net sur la décroissance, 29 janvier 2005 : http://www.dossiersdunet.com/rubrique14.html

Guillaume Duval, Décroissance ou développement durable ?, Alternatives Économiques,
5 décembre 2004, disponible sur le site du FNGM : http://www.world-governance.org/spip.php?article18&lang=fr

Revue S !LENCE, LA DÉCROISSANCE, n° 280 et 281 (Février et Mars 2002) de la Revue S !lence, Écologie - Alternatives - Non-violence : http://kropot.free.fr/Silence-decroissance.htm#Clementin

Bernard Guibert, Décoloniser notre imaginaire de croissance ? Ça urge !, Un débat chez les Verts, 7 avril 2004 : http://1libertaire.free.fr/SLatouche08.html

La Décroissance, Nicholas Georgescu-Roegen (commentaire de lecture), 27 septembre 2002 :
http://www.manicore.com/documentation/serre/ouvrages/decroissance.html

Nicholas Georgescu-Roegen, La décroissance. Entropie - Écologie - Économie (1979), Paris : Éditions Sang de la terre, 1995, 254 pp. , téléchargeable au format .doc et .pdf sur : http://classiques.uqac.ca/contemporains/georgescu_roegen_nicolas/decroissance/decroissance.html

Jacques Grinewald, “Nicholas Georgescu-Roegen : Bioéconomie et biosphère.
Jacques Grinewald, “Hommage à Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994)”.
2 fichiers .pdf téléchargeable sur :
http://classiques.uqac.ca/contemporains/georgescu_roegen_nicolas/decroissance/decroissance.html

Serge Latouche, « Pour une société de décroissance  », Le Monde Diplomatique, novembre 2003 : http://www.monde-diplomatique.fr/2003/11/LATOUCHE/10651

Serge Latouche, « Et la décroissance sauvera le Sud... », Le Monde diplomatique, novembre 2004 : http://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/LATOUCHE/11652

Serge Latouche, « Écofascisme ou écodémocratie  », Le Monde diplomatique, novembre 2005 : http://www.monde-diplomatique.fr/2005/11/LATOUCHE/12900

Jean-Marie Harribey, « Développement ne rime pas forcément avec croissance  », Le Monde Diplomatique, juillet 2004 : http://www.monde-diplomatique.fr/2004/07/HARRIBEY/11307

Eric Dupin, La décroissance, une idée qui chemine sous la récession, Août 2009 :
http://www.monde-diplomatique.fr/2009/08/DUPIN/17702

René Passet, « Que l’économie serve la biosphère », Le Monde diplomatique, Août 1989.

Jacques Robin, « Le choix écologique », Le Monde diplomatique, juillet 1989.

La décroissance, un nouveau romantisme révolutionnaire,
Jean-Claude Besson-Girard, directeur de la revue Entropia, interviewé par Laure Noualhat, Libération, 2 mars 2007.
http://www.liberation.fr/week-end/010122659-la-decroissance-un-nouveau-romantisme-revolutionnaire

Entropia - Revue d’étude théorique et politique de la décroissance : http://www.entropia-la-revue.org/

Dossier décroissance sur Rue 89 : http://www.rue89.com/decroissance

Tim Jackson : « On est au bord du gouffre écologique », entretien avec Sophie Verney-Caillat, Rue 89, 24/09/2010, http://www.rue89.com/planete89/2010/09/24/tim-jackson-on-est-au-bord-du-gouffre-ecologique-167846

Paul Ariès : « Les décroissants ne sont pas des talibans verts », Interview avec Pierre Haski, Rue 89, 19/09/2010 : http://www.rue89.com/entretien/2010/09/19/paul-aries-les-decroissants-ne-sont-pas-des-talibans-verts-167289

Critiques :

Lutte de Classe, N°121, juillet 2009
La décroissance, un point de vue parfaitement réactionnaire  :
http://www.union-communiste.org/?FR-archp-show-2009-1-1163-5504-x.html

Jérôme Métellus, La « décroissance soutenable » : une utopie réactionnaire, La Riposte, 1/12/2003 : http://www.lariposte.com/la-decroissance-soutenable-une,357.html

Greg Oxley, La « décroissance soutenable », Quand des idées rétrogrades se drapent dans l’écologisme, La Riposte, 29/02/2004 : http://www.lariposte.com/la-decroissance-soutenable-quand,356.html

Mona Chollet, Quand la presse vante la « frugalité », Yoga du rire et colliers de nouilles, Le Monde diplomatique, Août 2009 : http://www.monde-diplomatique.fr/2009/08/CHOLLET/17742

Films & vidéos en ligne :

C’est par où la décroissance ?, Un film de Luca Casavola, Monica di Bari (2008), France, Documentaire (51 min). Voir la fiche de Autour du 1er mai : http://www.autourdu1ermai.fr/fiches/film/fiche-film-2126.html

Simplicité volontaire et décroissance, Un film de Jean-Claude Decourt, France, Documentaire (60 mn), Autoproduction. Voir la fiche de Autour du 1er mai : http://www.autourdu1ermai.fr/fiches/film/fiche-film-1562.html

Vidéo : Hommage à Nicholas Georgescu-Roegen. Entretien vidéo-audio de 53 minutes avec Jacques Grineland sur l’œuvre de “Nicholas Georgescu-Roegen, économiste de génie”, 17 juin 2008 : http://www.youtube.com/watch?v=idlCElCe-2U

Long métrage : Koyaanisqatsi, film réalisé par Godfrey Reggio (1983), images de Ron Fricke, produit par Francis Ford Coppola.
À noter que Jacques Ellul et Ivan Illich sont crédités dans le générique de fin comme inspirateurs.

Sur la production intensive de viandes, voir le petit film satirique « The Meatrix » :
http://www.themeatrix.com

Sitographie :

Site du Journal La décroissance (casseurs de pub) : http://www.ladecroissance.net/

Le parti pour la décroissance : http://www.partipourladecroissance.net

Institut d’Études Économiques et Sociales pour la Décroissance soutenable :
http://www.decroissance.org/

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